Comment recruter un bon approvisionneur ?
Recruter un approvisionneur performant représente un défi majeur pour les entreprises industrielles. Une mauvaise embauche peut coûter cher : ruptures de stock, surstocks chroniques, relations fournisseurs dégradées, sans compter l’impact sur la trésorerie et la satisfaction client.
Dans notre récente interview vidéo, Gabrielle Seillier, Responsable Approvisionnements chez OVH avec plus de 15 ans d’expérience en supply chain, partage ses conseils pour identifier les meilleurs profils. De son passage chez Vallourec à Leroy Merlin, en passant par TexDecor, elle a développé une vision claire de ce qui fait un approvisionneur d’exception.
Ce guide pratique vous donne les clés pour recruter efficacement, avec des questions d’entretien testées sur le terrain et une méthode éprouvée pour évaluer les candidats.
1. Profil type : Qui recherchez-vous ?
Formation et parcours valorisés
L’ingénieur généraliste reste le profil de référence. Comme l’explique Gabrielle Seillier dans notre interview : “J’ai une formation d’ingénieur généraliste, d’ingénieur ICAM, et ça fait maintenant plus de 15 ans que je travaille en supply chain. Ce diplôme d’ingénieur permet de s’ouvrir les horizons sur des secteurs autres que la production pure.”
Les formations alternatives méritent attention :
- Commerce international + spécialisation supply chain
- Économie/gestion avec expérience logistique
- Formations courtes spécialisées (APICS/ASCM, formations continues)
L’expérience terrain constitue un atout majeur. Gabrielle Seillier insiste : “Ce passage dans l’usine m’a apporté ce sens du terrain et de la réalité. C’est un des principes de l’amélioration continue : aller sur le terrain. Si on pense qu’on a un problème avec un fournisseur, on va le visiter, on va visiter son atelier.”
Recherchez des candidats ayant évolué dans :
- Production et méthodes industrielles
- Amélioration continue et qualité
- Logistique opérationnelle
- Achats (complémentarité métier)
Compétences techniques indispensables
Un bon approvisionneur maîtrise les fondamentaux théoriques et sait les appliquer pragmatiquement. Gabrielle Seillier définit le cœur de métier : “La question à laquelle on doit répondre quand on est responsable approvisionnement, c’est qu’est-ce qu’on doit stocker ? À quel niveau ? Pourquoi ? Dans quel délai ?”
Les 3 flux essentiels à maîtriser :
- Flux marchandises : pilotage des livraisons, gestion des transports
- Flux information : référencement produits, statuts commandes, communication
- Flux financiers : impact trésorerie, optimisation des coûts
Compétences méthodologiques :
- Distinction besoin dépendant/indépendant
- Maîtrise MRP vs point de commande
- Calcul et dimensionnement stocks de sécurité
- Analyse ABC/XYZ et segmentation produits
Outils informatiques :
- ERP (SAP, Oracle, autres) – paramétrage et utilisation
- Excel avancé (tableaux croisés, macros, modélisation)
- Outils BI et reporting (Power BI, Tableau, autres)
Soft skills critiques
Au-delà des compétences techniques, recherchez ces qualités comportementales :
Pragmatisme et sens du terrain La capacité à aller vérifier sur le terrain distingue les bons approvisionneurs. Ils ne se contentent pas des données système mais confrontent théorie et réalité.
Capacités relationnelles L’approvisionnement est un métier de relation. Avec les fournisseurs, comme l’explique Gabrielle Seillier : “Il fallait donner envie au fournisseur de nous fournir. Ce qui est un peu différent de cette vision qu’on pouvait avoir il y a 15–20 ans que le fournisseur est à mon service.”
Esprit d’analyse et synthèse Face à une masse d’informations, l’approvisionneur doit identifier l’essentiel et prendre les bonnes décisions rapidement.
Résistance au stress Gérer les urgences, arbitrer entre priorités conflictuelles, négocier sous pression : le métier demande une forte résistance au stress.
2. Questions d’entretien de recrutement révélatrices
Inspirées des conseils de Gabrielle Seillier, voici les questions qui révèlent la vraie valeur d’un candidat.
Question 1 : “Qu’est-ce qu’un bon fournisseur selon vous ?”
Cette question, recommandée directement par notre experte, révèle la maturité du candidat et sa compréhension des enjeux business.
Réponses valorisées :
- Fiabilité opérationnelle : OTD (On Time Delivery), qualité constante, respect des engagements
- Transparence : communication proactive, partage d’informations, alertes précoces
- Capacité d’adaptation : flexibilité volumes, réactivité aux changements, innovation
- Partenariat : vision long terme, investissements communs, amélioration continue
Signaux d’alerte :
- Focus uniquement prix
- Vision purement transactionnelle
- Absence d’exemples concrets
- Approche conflictuelle (“il faut les tenir”)
Question 2 : “Sur quelles méthodes vous basez-vous pour déclencher des commandes ?”
Cette question technique évalue les connaissances fondamentales et la capacité d’adaptation aux contextes.
Réponses attendues :
- Distinction des besoins : dépendant (MRP, nomenclatures) vs indépendant (point de commande, prévisions)
- Prise en compte du contexte : lead times fournisseurs, variabilité demande, contraintes de stockage
- Segmentation produits : approche différenciée selon criticité, valeur, rotation
- Paramétrage système : stocks de sécurité, quantités économiques, seuils d’alerte
La référence aux méthodes APICS/ASCM est un plus, mais l’adaptation pragmatique prime sur la théorie pure.
Question 3 : “Dans quels cas ne faut-il PAS commander ?”
Question piège qui teste l’esprit critique et la maturité. Comme l’explique Gabrielle Seillier : “Un bon approvisionneur doit avoir cet état d’esprit d’alerteur. Il y a toujours un outil de calcul appro, mais comment je détecte les 20% de références qui ne suivent pas le modèle ?”
Bonnes réponses :
- Problèmes qualité fournisseur : OTD dégradé, non-conformités récurrentes
- Obsolescence prévisible : fin de vie produit, évolution technologique
- Contraintes financières : limitations trésorerie, budgets dépassés
- Incertitudes marché : demande très volatile, changements réglementaires
- Capacités stockage : entrepôts saturés, conditions de conservation inadéquates
Question 4 : “Comment détectez-vous les références qui sortent du modèle ?”
Cette question évalue la capacité d’analyse et l’autonomie. L’objectif : identifier les candidats qui savent prendre du recul sur les outils automatisés.
Éléments attendus :
- Indicateurs d’alerte : rotation anormale, écarts prévision/réalité, délais dépassés
- Analyse des causes : questionnement méthodique, recherche des causes racines
- Collaboration transverse : échanges avec ventes, production, achats pour comprendre les anomalies
- Outils de pilotage : tableaux de bord, reporting d’exception, analyses statistiques
3. Cas pratique en entretien
Testez la capacité de raisonnement sous pression avec cette mise en situation réaliste :
Énoncé du cas
“Lundi matin 8h, vous prenez votre poste. Votre tableau de bord ERP indique :
- Stock produit A (critique pour production) : 15 jours de couverture (cible habituelle : 30 jours)
- Commande en cours chez fournisseur historique : livraison prévue dans 10 jours
- Fournisseur historique : OTD récent 70% (dégradé depuis 6 mois)
- Nouveau fournisseur proposé par les achats : prix –15%, mais OTD inconnu, délai annoncé 3 semaines
- Votre planning : réunions importantes toute la journée
Que faites-vous dans les 30 prochaines minutes ?”
Grille d’évaluation
Analyse de la situation (25 points)
- Identification de l’urgence (risque rupture dans 15 jours)
- Évaluation de la criticité (produit stratégique)
- Calcul rapide des scénarios possibles
Prise d’information (25 points)
- Questions posées : consommation réelle, variations saisonnières, stocks alternatifs
- Sources consultées : historiques, équipes production, commercial
- Vérification des hypothèses : délais réels, capacités fournisseurs
Plan d’actions (25 points)
- Actions immédiates : contact fournisseur, alerte équipes
- Solutions court terme : commande urgente, alternatives temporaires
- Suivi moyen terme : sécurisation approvisionnements futurs
Communication (25 points)
- Qui informer : hiérarchie, production, commercial selon impact
- Format communication : urgence vs information, traces écrites
- Planification du suivi
Signaux positifs recherchés
- Questionnement avant action : le candidat pose des questions précises avant de proposer des solutions
- Vision systémique : prise en compte des impacts sur l’ensemble de la chaîne
- Gestion des priorités : capacité à hiérarchiser les actions dans un contexte contraint
- Communication proactive : anticipation des besoins d’information des parties prenantes
4. Évaluation des références
Questions aux anciens managers
Ne vous contentez pas d’une vérification formelle. Creusez la réalité de l’expérience :
Questions révélatrices :
- “Décrivez-moi une situation de crise que [candidat] a eu à gérer. Comment s’y est-il pris ?”
- “Comment collaborait-il avec les fournisseurs ? Pouvez-vous me donner un exemple concret ?”
- “Face à une rupture de stock imminente, quelle était sa approche ?”
- “Quels étaient ses principaux points forts ? Ses axes d’amélioration ?”
- “Le recommanderiez-vous pour un poste d’approvisionneur senior ?”
Vérification terrain
Demandez des exemples précis de réalisations :
- Projets d’optimisation menés (gains obtenus, méthodes utilisées)
- Gestion de crises spécifiques (contexte, actions, résultats)
- Outils maîtrisés (niveau d’utilisation réel, formations suivies)
- Connaissance sectorielle (spécificités métier, contraintes particulières)
Attention aux candidats qui restent dans le général sans pouvoir donner d’exemples concrets ou qui exagèrent leurs responsabilités réelles.
5. Erreurs de recrutement à éviter
Pièges classiques
Sur-valoriser le diplôme vs l’expérience terrain Comme le souligne Gabrielle Seillier, l’expérience opérationnelle prime souvent sur les diplômes prestigieux. Un candidat ayant évolué dans l’atelier comprend mieux les réalités de la production.
Négliger les soft skills Les compétences relationnelles sont cruciales. Un excellent technicien qui ne sait pas négocier avec les fournisseurs ou collaborer avec les équipes internes sera moins efficace qu’un profil plus équilibré.
Recruter uniquement sur les compétences techniques Maîtriser SAP ne suffit pas. L’approvisionneur doit adapter sa méthode aux spécificités de l’entreprise, du secteur, des fournisseurs.
Sous-estimer l’adaptation sectorielle Les réflexes d’un approvisionneur automobile ne s’appliquent pas forcément dans la distribution ou les services. L’adaptabilité est clé.
Signaux d’alarme en entretien
- Difficultés à donner des exemples concrets : le candidat reste dans la théorie
- Vision uniquement technique : absence de dimension business et relationnelle
- Manque de curiosité : pas de questions sur l’entreprise, le secteur, les défis
- Attitude défensive : difficulté à reconnaître les échecs ou axes d’amélioration
- Discours stéréotypé : réponses “de manuel” sans adaptation au contexte
6. Intégration et période d’essai
Premiers mois : points de vigilance
Appropriation des outils (0–1 mois)
- Maîtrise des systèmes d’information spécifiques
- Compréhension des processus internes
- Accès aux données et tableaux de bord
Compréhension métier (1–2 mois)
- Spécificités sectorielles et contraintes
- Criticité relative des différents produits
- Cycles de demande et saisonnalités
Construction du réseau relationnel (2–3 mois)
- Relations avec les fournisseurs existants
- Collaboration avec les équipes internes (achats, logistique, production)
- Compréhension des enjeux politiques
Indicateurs de réussite
Autonomie opérationnelle
- Capacité à gérer son périmètre sans supervision constante
- Prise d’initiatives pertinentes
- Proposition d’améliorations
Performance terrain
- Amélioration des indicateurs (OTD, rotation stocks, coûts)
- Résolution efficace des problèmes quotidiens
- Feedback positif des parties prenantes
Intégration équipe
- Collaboration fluide avec les collègues
- Participation constructive aux réunions
- Partage d’informations et bonnes pratiques
Checklist pré-entretien
Avant chaque entretien, assurez-vous d’avoir :
- Analysé le CV : zones d’ombre identifiées, questions préparées
- Adapté les questions : spécificités de votre secteur intégrées
- Préparé le cas pratique : situation réaliste de votre contexte
- Défini la grille d’évaluation : critères pondérés selon vos priorités
- Planifié les vérifications : contacts références, tests éventuels
En conclusion
Recruter un bon approvisionneur demande de dépasser les apparences. Comme le résume parfaitement Gabrielle Seillier dans notre interview : “Un bon approvisionneur, c’est quelqu’un qui a cette capacité à modéliser, qui maîtrise les 3 flux, et surtout qui garde ce sens du terrain et de la réalité.”
Les questions révélatrices que nous avons partagées, testées par une experte avec 15 ans d’expérience, vous aideront à identifier les vrais talents. N’hésitez pas à privilégier le pragmatisme sur la théorie pure, et l’adaptabilité sur la maîtrise d’outils spécifiques.
Le recrutement en supply chain représente un investissement stratégique. Un approvisionneur performant optimise vos stocks, sécurise vos approvisionnements et contribue directement à la rentabilité de l’entreprise. À l’inverse, un mauvais recrutement peut coûter très cher.
Vous cherchez à recruter des approvisionneurs ou d’autres profils supply chain ? Le cabinet Amalo, spécialisé dans le recrutement des métiers de la logistique et de l’approvisionnement, vous accompagne pour identifier et évaluer les meilleurs talents. Nos consultants connaissent parfaitement ces métiers techniques et disposent d’un réseau de candidats qualifiés.
Pour aller plus loin :
- Regardez l’interview complète de Gabrielle Seillier sur notre chaîne YouTube
- Découvrez nos autres contenus sur les métiers de la supply chain
- Contactez le cabinet de recrutement Amalo pour vos besoins en recrutement approvisionnement et supply chain